L'Aigle jacobin

L'Aigle jacobin

La juste imposition, essence de la République

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« Je jure […] de ne lever aucun impôt, de n'établir aucune taxe qu'en vertu de la loi […] » déclara l’Empereur le 28 floréal an XII. Treize ans plus tard, la constitution du 2 floréal XXIII précisait, en son article 36, que « toute proposition d'impôt, d'emprunt, ou de levée d'hommes, ne peut être faite qu'à la Chambre des représentants », c’est-à-dire uniquement avec le consentement des représentants du Peuple.         
Ces affirmations impériales trouvent leur source dans l’étymologie même du substantif « républicain ». En effet, si le publicain est celui qui était chargé du prélèvement de l’impôt, le républicain n’est-il pas celui qui doit veiller, d’une part à ce que cette perception soit la plus juste possible et d’autre part à répartir au mieux le produit de ladite perception ?

Au-delà du lien consubstantiel qu’entretient la République avec l’impôt, il est bien évident que ce dernier est nécessaire à la bonne marche de l’Etat. Certes, il est toujours possible de se livrer à quelques expédients pour des besoins ponctuels. Je pense ici aux partenariats public-privé notamment, partenariats que la doxa libérale érige en pratique récurrente, incontournable et massive. Néanmoins, nous jacobins, qui souhaitons que l’Etat puisse agir partout où est la Nation, ne pouvons point nous satisfaire de telles pratiques. Ainsi, l’argent public est nécessairement le produit de l’impôt, c’est-à-dire de la volonté de tous les citoyens de contribuer à l’intérêt général de la France.

 

 

Une imposition directe nécessairement progressive

 

 

En matière d’imposition, qu’elle soit directe (impôt pour lequel il y a identité entre l’assujetti (celui qui doit d’après les textes s’acquitter de l’impôt) et le redevable (celui qui est en dette par rapport au fisc et qui supporte le coût du paiement[1])  ou indirecte, il convient de distinguer l’imposition proportionnelle et l’imposition progressive.            


L’imposition proportionnelle fonctionne avec un taux fixe, applicable à tous. Les économistes classiques diront que puisqu’il s’agit d’un taux et non d’un montant précis, l’égalité de tous les citoyens devant l’impôt est respectée. Il est vrai que 10 % de 1 000 francs, soit 100 francs, représentent moins en valeur absolue que 10 % de 20 000 francs, soit 2 000 francs. Néanmoins, les orléano-girondins qui font cette analyse oublient de préciser que ce pourcentage d’imposition s’appuie sur des revenus qui sont, eux, bien différents. Ainsi, pour la personne qui ne gagne que 1 000 francs par mois, les 100 francs prélevés seront bien plus durement ressentis que les 2 000 francs demandés à celle gagnant 20 000 francs, même si elles ont toutes les deux versé 10 % de leur salaire.        
           
Pour un authentique républicain, l’imposition directe, sur le revenu, ne saurait donc être proportionnelle et se doit d’être  progressive. Avec la progressivité, il n’y a plus de taux unique mais des seuils qui varient en fonction des ressources dont dispose chaque citoyen. À mon sens, ce mode d’imposition peut cependant conduire à deux écueils principaux :    
- l’effet de seuil qui pourrait conduire certains à ne pas vouloir s’élever davantage dans la société (le passage à une tranche d’imposition supérieure annihilant le gain financier engendré par une hausse de salaire) ;           
- l’impôt progressif est moins efficace car beaucoup de contribuables ne gagnent pas assez pour être imposables.

Le premier problème peut se régler en augmentant considérablement le nombre de tranches d’imposition pour limiter le « choc fiscal » occasionné par le passage de l’une à l’autre. Les cinq tranches actuelles de l’impôt sur le revenu sont donc clairement insuffisantes.  
La seconde limite est plus problématique car elle est plus difficile à contourner. En effet, l’efficacité relative de l’impôt progressif est aussi ce qui en fait un impôt juste. Il convient donc de bannir la proportionnalité de l’imposition directe sur les salaires pour ne la réserver qu’à la fiscalité indirecte.

 

 

Une imposition indirecte proportionnelle et sélective

 

 

Dans la mesure où la seule imposition directe retenue est progressive et donc insuffisante pour alimenter les caisses de l’Etat, d’autant plus qu’elle ne concerne que les revenus, il est indispensable de la compléter par une imposition indirecte proportionnelle sur les biens et services. Un tel choix étonnera sûrement mes lecteurs puisque j’ai dénoncé plus haut les effets des impôts proportionnels. En effet, ils sont inégaux, car plus on est indigent, plus on en ressent les effets. Néanmoins, cela n’est vrai que lorsque ces impôts frappent l’ensemble des biens et services, y compris ceux de consommation courante, comme c’est le cas avec la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

 

Pour que ce nouvel impôt proportionnel et indirect puisse contribuer à un système fiscal plus juste, il est impératif qu’il ne soit pas appliqué aux articles les plus couramment achetés, le fameux « panier de la ménagère ». Toutefois, j’estime qu’il faut étendre cette non-application à tous les produits qui permettent la satisfaction des besoins primaires (nourriture, santé et logement). Le but est simple : éviter que ce nouvel impôt n’afflige les plus modestes, comme c’est le cas de l’actuelle TVA.

 

Il conviendra donc de dresser l’inventaire de l’ensemble des activités auxquelles les citoyens les plus riches peuvent s’adonner et de les découper en « tranches de besoin », qui se verront elles-mêmes attribuer un taux unique d’imposition (d’où le caractère proportionnel de ce nouvel impôt). Plus la tranche de besoins s’éloignera des préoccupations primaires, plus elle sera marquée par un taux d’imposition important.

 

Ne nous méprenons pas, il ne s’agit nullement de punir les citoyens les plus riches, mais bien de favoriser les plus humbles. L’enrichissement personnel n’est pas à blâmer car plus on est riche, plus on peut participer à la félicité nationale. Les classes équestres et sénatoriales n’avaient-elles pas l’honneur d’être les mieux armées pour défendre les intérêts de Rome ? C’est donc un esprit d’évergétisme contemporain qu’une juste imposition doit contribuer à développer chez les citoyens les plus aisés. Ces derniers ont toute leur place dans la Nation car ils la font prospérer, mais ils doivent se souvenir qu’au-delà de la richesse, ils sont en tous points égaux aux autres et c’est bien là que doit résider leur sublime orgueil.

           

 

 

En somme, le système fiscal jacobin pourrait se résumer de la façon suivante : une imposition directe progressive sur les revenus, associée à une imposition indirecte proportionnelle et sélective sur les biens et services, pour garantir à l’Etat les moyens, non seulement de son maintien, mais également de son expansion.

 

« Ce n’est point l’impôt qui nous fait citoyens ; la qualité de citoyen oblige seulement à contribuer à la dépense commune de l’État, suivant ses facultés. »    
Robespierre, le 6 pluviôse, an - II de la République française.

 

 

 

Charles-Louis Schulmeister, 

Le 27 fructidor de l’an CCXXVII de la République française



[1] D’après le site https://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-publiques/ressources-depenses-etat/ressources/quelle-est-difference-entre-impots-directs-impots-indirects.html.



14/09/2019
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