L'Aigle jacobin

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Réflexion politique


Le caritatif, voilà l’ennemi !

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Chacun se souvient de ces chaudes heures de floréal LXXXV où l’illustre Cadurcien, Léon Gambetta, dénonçait le cléricalisme comme étant l’un des suprêmes ennemis de la République. Il convient de distinguer la religion, qui n’est qu’une boussole idéologique, du cléricalisme, qui vise à confisquer le noble sentiment religieux au profit d’une caste plus ou moins établie. Ce discours a permis à l’ancien chef de l’armée de la Loire de s’opposer à un régime qui, bien que n’étant pas officiellement une monarchie constitutionnelle, disposait de tous les oripeaux de l’orléanisme.

 

Se déclarer hostile au caritatif peut sembler absurde, voire cynique, de prime abord. J’assume néanmoins cette position. Tout l’objet du présent texte est de démontrer que, sous des atours généreux et engageants, la logique caritative constitue une aide extrêmement lacunaire, mieux, qu’elle est en vérité une manifestation de notre individualisme contemporain, contraire à l’idéal porté par la République jacobine.

 

L’essence même du caritatif réside en la défense d’une cause particulière, qui mérite que l’on y prête une attention spécifique, puisque l’Etat ne saurait y faire face. Toutefois, ce raisonnement est dangereux car il s’éloigne de l’intérêt général garanti par l’État républicain. À mon sens, la pensée caritative prône un affrontement des intérêts particuliers.

 

 

 

De l’associatif et du caritatif

 

À la lecture de mon avant-propos, mes contempteurs auraient beau jeu de dire que je raye, d’un trait de plume, tous les bienfaits que le milieu associatif apporte à la France. Il m’apparaît donc nécessaire de dissocier l’associatif du caritatif, que j’entends bien combattre.

 

Assurément, les associations sont essentielles dans bien des domaines : promotion du patrimoine, du lien social, de centres d’intérêt communs… Nul ne saurait nier leur apport pour la société. Je vois alors poindre la contradiction suivante : comment se déclarer en faveur de l’action associative si on lui refuse toute forme de financement ?

 

Toute association a besoin de fonds propres pour mener à bien son action, c’est un fait. Pour ce faire, elle a besoin de dons. Cependant, contrairement au caritatif, l’associatif se veut universel, il ne se limite pas à porter secours aux plus défavorisés. C’est paradoxalement cette idée que je condamne, car dans ce secteur, le monopole du cœur devrait revenir à l’État. Il est effet certain que porter secours aux plus défavorisés est constitutif de notre pacte social.

 

En somme, il convient de vivifier le tissu associatif national partout où il ne s’agit pas d’une mission de première importance, qui ne saurait être exercée que par l’État.

 

 

Affrontements des intérêts particuliers contre intérêt général

 

Si nous, Jacobins, défendons à ce point l’État par rapport aux acteurs privés, c’est bien parce que nous sommes convaincus d’une chose : contrairement à ces derniers, la force de coercition au service de la Nation n’est guidée que par l’intérêt général, tout au moins lorsqu’elle est dirigée par un gouvernement vertueux.

 

Bien sûr, les intérêts particuliers peuvent défendre une cause noble, il serait ridicule de le nier. Nonobstant cette remarque, il faut formuler la limite suivante : une cause noble ne saurait se rattacher qu’à un intérêt particulier bien défini. Il y a donc autant de combats caritatifs que d’intérêts particuliers.

 

C’est à mon sens dans cette constatation que réside le péché mortel de l’action caritative : elle se voit contrainte de hiérarchiser les causes, pire de les mettre en concurrence pour faire en sorte que les dons reviennent à l’association que l’on promeut et non à une autre.

 

 

Le pathos comme principe d’action

 

Nous venons d’en convenir, le caritatif induit une hiérarchisation des combats portés par ses différents acteurs. L’objectif est d’attirer les dons pour contribuer à une cause plutôt qu’à une autre.

 

Ce « désordre moral » est intrinsèquement choquant pour un Républicain, mais le caractère néfaste du caritatif ne s’arrête pas à ce constat. À l’image des démagogues antiques, les thuriféraires de ce mode d’action se sont aperçus que le pathos est un levier bien plus commode à manier que le logos. Effectivement, pour disposer de plus de dons que les autres, il est indispensable de choquer le donateur en puissance, afin qu’il participe à la lutte soutenue par l’association, quitte à se livrer à des campagnes de publicité parfois obscènes.

 

Avec ce procédé, l’individu donne moins par adhésion à une cause que par culpabilité. Le but est, avant tout, de soulager sa conscience selon la pratique cléricale bien connue des indulgences, or il n’est pas besoin de rappeler les conséquences qu’a eu le commerce de ces dernières pour la religion catholique.

 

 

 

 

J’espère que chacun aura compris que la conception jacobine ne vise pas à supprimer purement et simplement toutes les activités caritatives. Son souhait est d’en dénoncer le fonctionnement et d’assurer le retour à une gestion étatique de l’ensemble des causes, aujourd’hui défendues de cette manière, car elles sont, bien souvent, légitimes.

 

En République, c’est donc à l’appareil d’État de s’occuper de ces questions afin d’assurer un financement juste, grâce à un impôt progressif et direct. J’ajouterai d’ailleurs que si les dons aux associations sont aujourd’hui si nombreux, c’est bien parce qu’ils sont, pour partie, exonérés d’impôt.

 

Il n’est pas tolérable, pour un Jacobin, que le degré de sensibilité à telle ou telle cause continue à être l’étalon de financement de cette dernière. Il faut en finir avec cet individualisme mortifère, les causes portées par les organismes caritatifs méritent d’être défendues par la seule péréquation républicaine.

 

 

Charles-Louis Schulmeister,

Le 30 thermidor de l’an CCXXVIII de la République française

 


16/08/2020
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De la supériorité de la vision sur le projet

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« Parce que c’est notre projet ! » déclara Emmanuel MACRON lors de la dernière campagne présidentielle. Cet engouement avéré pour le projet, de la part de celui qui est désormais à la tête de l’Etat, prouve bien combien ce phénomène marque notre société. De même, quel citoyen n’a jamais eu affaire, dans le cadre professionnel ou même privé, à un projet ? Il est d’ailleurs de bon ton, si l’on veut être dans l’air du temps, de travailler « en mode projet ».

           
Et pourtant, ce projet tant adulé est loin de n’avoir que des aspects positifs. En effet, dans son étymologie même, il implique une fuite en avant plus que néfaste pour la République sociale, si chère à nos yeux de jacobins. Ce n’est pas le cas de la vision, que tout politique digne de ce nom se doit d’avoir, s’il entend réellement servir les intérêts de sa Patrie. Contrairement au projet, la vision est bien moins réductrice puisqu’elle embrasse non seulement le présent, mais également le passé, pour mieux appréhender le futur. En outre, là où le projet est uniquement dirigé vers le profit, quel qu’il soit, la vision est, elle, bien plus altruiste.

 

 

Un bien funeste projet

 

 

Si l’on se réfère à l’étymologie du nom « projet », l’on se rend compte qu’il vient du latin projectum , qui signifie littéralement « jeter quelque chose en avant ». Cette idée implique une notion de croissance puisque le fait de se « jeter en avant » nécessite de s’améliorer sans cesse et de se développer. Le « mode projet » correspond donc à une croissance infinie puisque l’on ne cesse de se projeter.

 

Cette relation symbiotique, qu’entretiennent projet et croissance, explique aisément le fait que le capitalisme se soit emparé du projet. En effet, sans prôner une décroissance, qui paraît hasardeuse, chacun sera d’accord pour admettre que le capitalisme a besoin de la croissance, c’est-à-dire de l’accumulation des richesses par le contrôle des moyens de production, afin de perdurer.

 

Si l’on peut envisager une croissance dans différents domaines, le projet capitaliste ne laisse guère de doute quant au type de croissance escomptée. Il s’agit évidemment d’une croissance économique. Alors bien sûr, tous les projets ne seront pas directement présentés comme étant des moyens d’accroître le chiffre d’affaire de l’entité qui les promeut. Cependant, si l’on y regarde bien, tous les projets ont une finalité économique. Un projet d’amélioration de la qualité de vie au travail ? Cela permet d’améliorer la productivité des employés et donc le chiffre d’affaire de l’entreprise. Un projet d’espace convivialité ? Cela permet aux employés de mieux se connaître et de mieux travailler ensemble afin d’améliorer, encore, le chiffre d’affaire. Un projet de télétravail ? Cela permet aux employés de mieux travailler, mais aussi de libérer des espaces de bureau et donc, encore et toujours, d’améliorer le chiffre d’affaire de la firme qui met en œuvre tous ces projets.

 

Il est vrai qu’il n’y a rien de choquant à ce qu’une compagnie privée soit tournée vers le seul profit, c’est même sa raison d’être. En revanche, lorsque ces méthodes de travail sont reprises par l’administration publique, cela pose réellement question. Faire des économies peut servir l’intérêt général, mais l’intérêt général n’est pas de faire des économies, même si en ces temps faibles pour l’Etat, cette idée séduit nombre de responsables politiques.  Il serait donc absurde de n’envisager l’action publique qu’à travers le projet, car cette action se nourrit bien souvent du passé et exige la mise en place d’infrastructures non-rentables.

 

 

La vision de l’Etat

 

 

Comme le projet, la vision contribue à une certaine idée du futur, si ce n’est qu’elle est bien plus pertinente, car elle ne se cantonne pas qu’au seul secteur économique, comme c’est le cas du projet. En outre, là où le projet a une dimension nihiliste, puisqu’il ne sait que se projeter, la vision est plus intéressante car elle est un élan qui sait aussi regarder en arrière. Il n’y a donc pas de vision de l’avenir qui tienne sans ancrage solide dans l’Histoire. « Les Révolutionnaires sont des héritiers » disait Régis Debray.

 

L’avantage d’être libéré du seul prisme du profit, c’est que l’on peut appréhender l’avenir selon le principe de gratuité. Par gratuité, je n’entends pas supposer que la vision ne coûte rien, cette dernière peut nécessiter énormément de temps ou même d’hommes. Je veux signifier ici que la vision est gratuite parce qu’elle ne rapporte pas nécessairement. En effet, là où le projet est intéressé et se doit de rapporter à plus ou moins court terme, la vision peut s’envisager à perte, pour rester dans le vocable de l’économie.

 

Quel est l’intérêt alors d’utiliser un tel concept ? Et bien c’est justement dans cette gratuité que réside le génie de l’intérêt général. L’action de l’Etat se doit d’être parfois à perte pour permettre l’accès de tous les citoyens à l’ensemble des ressources disponibles. Il s’agit là du principe de péréquation républicaine qui fait, par exemple, que l’on paye son timbre plus cher en région parisienne pour qu’il ne soit pas hors de prix en Lozère. Qu’est-ce qu’un service public, qui n’aurait d’autre horizon que la rentabilité, pourrait apporter de plus qu’un opérateur privé qui exercerait la même activité ? La vision, contrairement au projet, est donc compatible avec le principe d’Egalité qui est la base même de la République jacobine.

 

 

 

En somme, il est possible de se projeter, pour s’épanouir individuellement au nom de la liberté d’entreprendre. Néanmoins, dès lors que l’on envisage l’action de l’Etat, c’est-à-dire de l’incarnation administrative de la Nation, on ne saurait raisonner autrement qu’en échafaudant, petit à petit, une vision de l’action publique. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faille pas gérer les deniers publics avec le plus de sérieux possible, mais plutôt que cette bonne gestion se doit de servir un dessein plus grand qu’elle : l’universalisme français !

 

 

 

Charles-Louis Schulmeister, 

Le 3 vendémiaire de l’an CCXXVIII de la République française


24/09/2019
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Contre la biologie politique

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Chacun sait que lorsque l’on met la biologie au service d’une doctrine politique, il faut s’attendre aux pires dérives possibles. En effet, l’association de ces deux termes fait tout de suite penser aux expérimentations médicales et autres abominations perpétrées par les nazis, au nom de leur effroyable doctrine politique. Bien évidemment, ces atrocités ont été condamnées comme elles le méritaient. L’accusation même de racisme suffit à provoquer l’ire de la société. Dans ces conditions, quel est l’intérêt d’un énième texte condamnant le racisme et même le racialisme ? À l’exception de la lie de l’extrême-droite, qui pourrait aujourd’hui mettre en avant des critères biologiques pour fonder tout ou partie d’une doctrine politique ? En réalité, même si les formes les plus virulentes de biologie politique semblent aujourd’hui avoir été éradiquées, il en reste des souches difficiles à neutraliser.

 

 

 

L’antispécisme

 

Ce courant de pensée a connu un regain de popularité avec la montée en puissance du mouvement « vegan ». Que les choses soient bien claires : le fait de refuser d’ingérer un aliment en raison de sa provenance relève de la croyance. En bon jacobin, je ne saurai donc m’y opposer, au nom de la liberté de conscience. Ainsi, l’on peut être catholique, juif ou bien vegan… pourvu que l’on adhère aux principes républicains qui placent l’Être suprême au-dessus de tout. Robespierre n’a-t-il pas dit que l’athéisme était aristocratique ?

 

Ce n’est donc pas le fait de privilégier tel ou tel aliment qui pose problème, mais bien celui de rejeter tous ceux qui s’alimentent différemment comme des parias.  Beaucoup de vegans se disent antispécistes. Cette doctrine politique consiste à ne pas faire de choix entre les espèces. Ce serait en somme l’égalité absolue entre tous les êtres vivants. Il est évident que l’être humain ne doit pas penser à lui seul, il doit envisager, non seulement son intérêt, mais également celui de son écosystème. Sous couvert de générosité, l’antispécisme peut être dangereux car il tend vers une philosophie politique proche de l’écologie radicale, selon laquelle il faudrait traiter tous les êtres vivants de la même façon, ou plutôt qu’il ne faudrait pas choisir entre une vie humaine et du lichen. Malgré les dires des antispécistes, il y a tout de même une différence entre ces deux espèces : l’une a une conscience, également appelée raison, tandis que l’autre n’existe que pour satisfaire ses besoins primaires. Si l’on y réfléchit bien, nier la biologie à ce point, n’est-ce pas une manière de l’ériger en principe politique absolu ? Nier cette différence fondamentale, c’est en réalité nier l’humanité. Pour autant, ériger une politique sur des critères purement biologiques est également une attitude anti-républicaine.

 

 

Les essentialismes liés au genre

 

Il est difficile de cibler ici une biologie politique en particulier car elles sont extrêmement nombreuses : féminisme, quotas ethniques, discriminations positives…  Elles ont cependant toutes en commun une chose : le fait de revendiquer un droit pour des raisons physiologiques. Il est évident que les femmes doivent acquérir une place plus importante en politique. Il est donc urgent d’instaurer une réelle parité pour qu’une proportion acceptable de femmes accède enfin aux responsabilités.  Les jeunes issus des quartiers défavorisés, bien souvent d’origine immigrée, n’arrivent pas à rentrer à Science Po, réservons-leur des places !    

La biologie politique ne serait donc plus un problème, mais bien un remède miracle à tous les maux de la société. Pourquoi n’y avons-nous pas pensé plus tôt ? Si ces solutions, relevant de la biologie politique, règleraient beaucoup de questions, elles n’en sont pas moins inacceptables pour les jacobins que nous sommes. Si l’on considère à nouveau les femmes, il faut s’interroger sur ce que l’on souhaite réellement : veut-on des responsables politiques féminins, uniquement parce que ces derniers seront issus du beau sexe ou, au contraire, voulons-nous des femmes politiques qui seront élues, non pour ce qu’elles sont, mais bien parce que leur programme politique sera regardé comme étant le meilleur pour la cité ? Pour favoriser l’ascension sociale des plus humbles, faut-il réserver un quota de places aux citoyens issus des banlieues sensibles ou faut-il faire en sorte qu’ils aient les mêmes chances de réussite que les autres ?

 

La République, disait Jaurès, c’est l’assemblée de rois. J’irai plus loin en disant qu’elle est une aristocratie universelle, les meilleurs citoyens sont donc tous les citoyens. Il faut donc non seulement ne laisser personne de côté, mais également faire en sorte de susciter le désir d’élévation spirituelle chez chacun. C’est pour cela que renvoyer un individu à son sexe, à un caractère intangible, qu’il n’a absolument pas choisi, est inacceptable pour la République française. Nous, jacobins, considérons que la méritocratie républicaine ne peut être démontrée que par sa pensée et par ses actes, en aucun cas par sa seule essence. Réserver certains droits à certains individus, c’est en somme permettre un retour à l’Ancien Régime. Ne disait-on pas des nobles qu’ils n’avaient qu’à se donner la peine de naître ? Cette primauté du sang sur l’esprit doit être combattue avec la détermination la plus absolue.

 

 

Le droit du sang

 

Le droit du sang n’a de place que dans la conception allemande de la nation. Malheureusement,  même en France, certains réclament l’instauration de cette biologie politique qu’est le droit du sang. Après tout, elle coexiste déjà dans notre pays avec le droit du sol. Pourquoi ne pas lui donner la primauté pour s’assurer que le sang français ne cessera jamais de couler ?

 

Cette idée séduit certains conservateurs qui, pour certains, aiment réellement la France. Néanmoins, affirmer cela, c’est avilir l’idée française, c’est ravaler notre nation au rang d’ethnie. Tout Français digne de ce nom, en disciple de Renan, sait que la Nation est un plébiscite de tous les jours. Il n’y a pas de sang français, mais bien un esprit français. Nous ne sommes qu’une idée, fragile, susceptible de disparaître à chaque instant. Toutefois, c’est justement parce que nous ne sommes qu’une idée, une modeste lueur, que nous pouvons prétendre à éclairer l’univers. Voilà, la seule prétention du génie français. Comme l’a dit l’Empereur, « tout individu né en France est donc Français ».

 

Faut-il donc rejeter absolument toute acquisition de la nationalité par le sang ? Évidemment non, car cela créerait une insécurité juridique pour l’ensemble de nos ressortissants qui vivent à l’étranger. En outre, il est un droit du sang qui sublime la Nation et le sentiment d’appartenance à cette dernière. Il s’agit du sang versé. Quel plus beau pied de nez à la biologie politique que de choisir de mettre sa propre essence au service d’une cause qui nous dépasse ? C’est en vertu de ce principe que j’estime que tout individu qui choisira de verser son sang pour la France, devrait pouvoir se voir proposer le plus beau titre qui soit au monde : celui de citoyen de la République française !

 

 

 

On l’a vu, la biologie politique est protéiforme, elle peut avoir des effets plus ou moins pervers. Néanmoins, il convient de la rejeter absolument car elle confine à un état de nature dont il serait impossible de sortir. La République, c’est tout l’inverse, c’est être persuadé que tout être, quelle que soit son origine, est capable de s’élever, pourvu qu’il en ait le désir. Toutefois, il ne faut pas nier non plus la biologie comme le font les antispécistes, car elle se rappellerait à nous de bien cruelle façon. La République est donc un équilibre entre écologie et humanisme radicaux.

 

 

Charles-Louis Schulmeister,
le 27 floréal, de l’an CCXXVII de la République française


16/05/2019
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La gouvernance contre le gouvernement

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« Pour réussir, il nous faut une bonne gouvernance ! » Combien de fois avons-nous entendu cette phrase ? Et surtout, qui pourrait souhaiter une mauvaise gouvernance, à part les ennemis de la Nation ? Aucun patriote sincère ne pourrait évidemment en venir à désirer une telle chose pour son pays. Pourtant, il est impératif de se départir de ce terme qui est, en réalité, dangereux pour la République.

 

 

La gouvernance a des atours extrêmement séduisants puisqu’elle repose sur le consensus. En effet, la gouvernance n’intervient pas sur le pourquoi d’une politique, elle ne s’intéresse qu’aux moyens de sa mise en œuvre, à la tekhnè comme disaient les Grecs. Il ne s’agit donc pas de savoir si la réduction des déficits est ou non une bonne chose, ni même de se demander pourquoi il faudrait réduire les déficits publics, mais bien de savoir quel procédé utiliser pour y arriver. En somme, le seul discours pertinent serait donc celui de la méthode. C’est la raison pour laquelle l’on a recours, non plus à des hommes politiques, mais bien à des techniciens. Ainsi, dans la mesure où la question de l’idéologie politique à mettre en œuvre ne se pose plus, nul besoin de confier les destinées de la France à Richelieu, le  meilleur économiste national suffit. Il ne faut plus tracer une orientation politique, mais plutôt suivre une courbe. Certains diront que je me refuse à voir l’essentiel : un tel logiciel de pensée est bien commode. Il met non seulement tout le monde d’accord, mais il fait disparaître le désaccord lui-même. Après tout, la concorde nationale n’est-elle pas le bien le plus précieux pour tout honnête citoyen ?

 

 

Le gouvernement, c’est le tumulte. Choisir un gouvernement, c’est faire un choix nécessairement fondamental. Lors d’une élection gouvernementale,  il y a donc une évidente mise en tension du corps social. Chacun est en effet libre de choisir le modèle qu’il juge le plus adéquat pour la Patrie. Il est vrai que le fardeau de la liberté est lourd à porter. La République jacobine est-elle le meilleur régime possible pour la France ? Et si je me trompais, les conséquences ne seraient-elles pas funestes ? L’on peut même aller plus loin en affirmant que gouverner, c’est aussi, dans certains cas, imposer. Nous-mêmes, jacobins, n’avons-nous pas montré quelque inclination pour la République terroriste prônée par les sans-culottes ?

 

 

En apparence, il faudrait donc être fou pour choisir le gouvernement, qui risquerait de nous plonger dans la guerre civile à chaque instant, alors que la gouvernance nous offre la paix éternelle. Qui choisirait le conflit, alors que l’on peut avoir le consensus ?
Pourtant, le conflit libère là où le consensus aliène. Nous sommes humains parce que nous exerçons notre libre arbitre, parce que nous sommes l’espèce du cogito perpétuel. Se laisser aller au consensus, par crainte de blesser son semblable, c’est donc en réalité se priver de son humanité. 
Il est évident que, dans une société civilisée, le conflit doit être jugulé. Cependant, il doit impérativement perdurer. C’est effectivement lui qui nous permet de choisir, pourvu qu’il s’exprime de façon pacifique. Les individus doués de raison doivent donc s’adonner aux conflits qui font couler, non pas le sang, mais bien l’encre. L’autre nom du conflit, c’est le débat.
Déjà le beau visage de la gouvernance, cette fausse déesse, commence à se flétrir lorsque l’on

envisage une société non plus sans conflit, mais bien sans débat. Cette face devient véritablement immonde si l’on veut bien considérer qu’un monde sans débat, c’est en réalité, un monde uniforme où seule la pensée unique est admise.
Ainsi, si nous voulons  maîtriser notre destinée, nous n’avons d’autre choix que d’assumer nos désaccords, sous peine de choir dans la dictature.

 

 

Alors j’entends déjà tous ces opposants qui m’interpellent, en me disant que mes propos  seraient semblables à des mirages, apaisants, mais privés de toute consistance.
Une fois n’est pas coutume, tel le géographe, je vais me livrer à une étude de cas. Le grand Jaurès ne disait-il pas qu’il faut « aller à l’idéal et comprendre le réel » ? 
Je vais donc à présent évoquer la gouvernance de la zone euro.
En évoquant cette Europe, celle des junkers et autres grands propriétaires, qu’ils soient terriens ou non, je veux démontrer les dérives de la gouvernance. Malgré mes propos liminaires, certains diront qu’un gouvernement ou une gouvernance de la zone euro c’est la même chose. Je m’inscris en faux contre cette assertion et j’affirme au contraire que cette distinction illustre parfaitement mon idée.



Dans un gouvernement de la zone euro, bien que j’y sois opposé, les fédéralistes sincères pourraient se questionner sur le bien-fondé de l’euro, sur la possibilité de le décomposer en euro du nord et en euro du sud. D’autres encore, hardis républicains, se positionneraient en faveur, non pas d’une monnaie unique, qui opprime les peuples, mais bien d’une monnaie commune. Cette dernière aurait les avantages d’une devise, sans ses inconvénients. Mes contradicteurs, s’ils sont honnêtes, admettront que ces débats n’ont jamais été évoqués lors des réunions des dirigeants de la zone euro, de l’Eurogroupe pour ne pas le citer…



C’est bien là le signe que nous ne sommes pas en présence d’un gouvernement de la zone euro, mais bien d’une gouvernance de cette dernière. Lors des réunions de l’Eurogroupe, il n’est question que de prendre acte de la politique monétaire de la BCE, juridiquement indépendante et donc au-dessus des votes des peuples. Tout au plus, le président de cet Eurogroupe est-il admis à assister, sans aucun pouvoir de décision, aux discussions des grands argentiers européistes. Alors bien sûr, chaque nation partie prenante de l’euro peut changer à tout moment de ministre des finances. Avec la gouvernance européiste, il est donc possible de choisir celui qui aura le privilège d’observer les banquiers décider de l’avenir du continent.

 

 

La gouvernance assure donc le consensus, mais ce dernier a un prix, celui de la servitude.
Comme jacobin, j’opte pour le gouvernement et me souviens des paroles de ce chant, Veillons au salut de l’Empire,  que chantaient jadis les soldats des armées révolutionnaires : « Plutôt la mort que l'esclavage ! C'est la devise des Français. »    

 


Charles Louis-Schulmeister,
Le 12 floréal de l’an CCXXVII de la République française


01/05/2019
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